HistoiresItshak Nabet

Un dernier cadeau

Au début de la paracha Vayékhi, Yaacov avinou demande à Yossef de l’enterrer en Eretz Israël, dans le caveau familial. Malgré la distance et les difficultés d’un tel voyage, Yaacov désirait absolument demeurer à la Mahakhat Amakhpéla. Le Midrach explique que lors de la résurrection des morts, ceux qui sont Israël se lèveront de suite et verront la Présence Divine. A l’inverse, ceux qui sont hors d’Israël, devront traverser les terres pour se lever en Israël. Yaacov exigea à ses enfants de lui épargner ces souffrances. La Torah nous apprend que la mort n’est pas la fin du parcours. Après 120 ans, la vie continue sous une autre forme en attendant la résurrection des morts, qui se présente comme la dernière étape. C’est pourquoi, il est important de faire des Mitsvots, des études et des prières pour aider l’âme à s’élever. En outre, en donnant des mérites aux défunts, nous profitons nous aussi de ces Mitsvot et nous profitons de leur protection comme l’illustre cette histoire, que vous pouvez retrouver dans le livre Chantez sa gloire:

Les enfants ont été les premiers à remarquer son absence. Peut-être à cause des friandises qu’il avait l’habitude de leur distribuer? Il arrivait toujours au Beth Haknesseth vêtu d’un costume trop large et délavé. Ses grandes poches étaient, en général, gonflées de bonbons. Il n’avait dérangé personne et était considéré comme on des membres de la communauté. Chaque jour, il s’asseyait dans son coin afin de prier et d’étudier la guémara.

L’épicier du quartier n’avait pas plus de contact avec lui, si ce n’est le  » bonjour » plein de tristesse que son client lui lançait chaque matin. Il n’avait pas non plus de contact avec ses voisins. Il s’enfermait chez lui la plupart du temps, et refusait de quitter sa maison. Même le Chabat, il refusait toute invitation. On ne savait strictement rien de lui.

Un jour pourtant, on remarqua qu’on entendait plus sa porte grincer, ni ses pas dans la cage d’escalier. Les voisines se demandèrent où pouvait bien avoir disparu la silhouette courbée qui se dirigeait tous les matins vers l’épicerie. Cependant, les seuls qui passèrent à l’action furent les enfants. Depuis quelques jours l’homme qui leur distribuait des friandises n’était pas apparu. Ils postèrent des gardes au seuil de son appartement pour guetter l’une de ses éventuelles sorties mais sa porte restait close.

Alerté, le rav du quartier voulut savoir s’il était tombé malade et s’il avait besoin d’aide. Accompagné de deux autres personnes, il frappa à sa porte. On redoubla de coups, fit tinter la sonnette, on essaya de téléphoner…en vain. Le silence fut la seule réponse. Finalement on appela la police qui défonça la porte. Les secouristes qui entrèrent dans l’appartement découvrirent le corps sans vie du vieillard, couché sur son lit.

Dans cette petite communauté américaine, la nouvelle se répandit comme une traînée de poudre. Sans tarder, on s’affaira pour préparer l’enterrement du « vieillard bien aimé » afin de lui rendre les derniers honneurs. Aidé par les Gabbaïm, le rav entreprit des recherches dans la misérable demeure du défunt dans l’espoir de découvrir l’existence d’un proche parent à avertir. Après quelques fouilles on trouva un vieux carnet contenant des photos, des informations personnelles et le numéro de téléphone de son fils.

Sans perdre de temps, le rav appela le fils pour lui apprendre le décès de son père et pour lui dire l’heure de l’enterrement.  » Ecoutez Mr le Rabin, cela fait vingt ans que je n’ai pas vu mon père. Vingt ans que je ne lui pas parlé, je ne ressens aucun besoin de venir à son enterrement. » Le rav était abasourdi par cette réponse. Mais il ne céda pas pour autant:

– Et qui dira le Qadich pour votre père?

– Je n’observe rien du judaïsme, pourquoi devrai-je dire le Qadich? Répondit l’homme avec arrogance. Je n’ai nul besoin de venir aux obsèques.

– Vous ne savez pas ce qu’est le Qadich. Ce n’est pas qu’une prière pour le défunt. C’est une proclamation de la grandeur et de l’éternité du Nom d’Hachem. C’est une prière qui protège des punitions, des malheurs et qui prolonge la vie de l’homme… Faites donc un effort et venez prier pour vous-même! Pendant toute votre vie, vous avez causé énormément de peine à votre père. Vous ne lui avez accordé aucun instant de bonheur. Acquittez-vous au moins de votre devoir minimum en lui offrant un brin de bonheur dans le monde futur!

Finalement, à force de supplications et de persuasions, le fils accepta de venir à l’enterrement et de dire le Qadich. Il ne fut pas facile de fixer l’heure de l’enterrement. Le fils, un brillant homme d’affaires qui possédait un grand bureau dans les Tours Jumelles, accepta qu’il se déroule rapidement avant l’ouverture de son bureau. La mise en terre fut fixée au 23 Elloul 5761, le 11 semptembre 2001 à huit heures précises.

Le fils arriva à l’heure dite et demanda de commencer immédiatement la cérémonie. Devant la tombe fraîche, sans la moindre émotion, il récita le Qadich en répétant mot à mot après le rav. Pour lui, l’essentiel était que tout ce cérémonial se termine au plus vite pour retourner à ses affaires. Ensuite, le rav prononça un court mais émouvant hespèd, oraison funèbre. Après lui, un des voisins prit la parole lorsqu’une terrible explosion se fit entendre. Un avion avait heurté l’une des tours jumelles. Le cimetière se vida soudain. Seule la silhouette courbée d’un businessman au-dessus d’une tombe était distinguable. Profondément bouleversé, il ressentait le lien qui l’unissait à son père.  » Papa…grâce à toi j’ai reçu ma vie en cadeau! Merci, Hachem. »

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