Comme vous le savez, la majorité des médicaments sont amers. Cependant, tout adulte raisonnable comprend que pour le bien- être de son organisme, il se doit d’avaler le remède prescrit. Les enfants qui n’ont pas encore assez de conscience pour comprendre cela avaleront des sirops au goût de fraise, de caramel ou de menthe. La Torah, nous dit le Talmud, représente notre seul antidote contre le mauvais penchant. A l’image des médicaments, il existe des remèdes doux et des traitements plus violents. J’ai l’habitude de vous envoyer chaque semaine quelques bonbons pourChabat: cette idée du rav Bravda se présente comme un vaccin contre le Yetser Ara: même si cela pique au début, sachez que c’est pour notre bien.
Dans une semaine, vendredi soir, nous dirons à la fin de la Aggada : « Raban Gamliel disait : tout celui qui ne dit pas Pessah, Matsa ou Marokh n’est pas quitte de son obligation. » Certains sages, comme Tosfot ou le Ran comprennent que cet enseignement se rapporte à l’accomplissement desMitsvot de cette soirée : ainsi, si une personne apportait le sacrifice de Pessah, mangeait sa Matsa ou son Marokh mais sans savoir pourquoi, elle n’aurait pas accompli ces Mitsvot parfaitement. A l’inverse, le Rambam explique que cette leçon s’applique à la Mitsva de raconter la sortie d’Egypte. Selon lui, si une personne oublie de dire Pessah, Matsa ou Marokh à la fin de la Agada, elle n’est pas quitte de la Mitsva de raconter la sortie d’Egypte. A priori, comment comprendre qu’une personne qui a expliqué tous les détails de la sortie d’Egypte et des dix plaies pendant deux heures n’est pas quitte parce qu’elle n’a pas dit Pessah, Matsa ou Marokh ?
Le Midrach demande pourquoi dans la Torah, après de nombreuses Mitsvot, il est écrit : « Je suis Hachem ton Dieu qui vous ai fait sortir d’Egypte » ? Celui-ci illustre le sens de cette phrase à l’aide d’une parabole : un jour une guerre se déclara entre deux pays. Un des pays annexa une partie de l’autre, et mit en prison tous les habitants de cette région. Un des prisonniers était le fils d’un très bon ami du prince d’une région avoisinante. Ce dernier décida alors de délivrer ce jeune homme. Il se dirigea vers la prison, négocia la valeur de son rachat et partit parler avec le prisonnier: « Si je te libère, es-tu prêt à devenir mon esclave ? » demanda le prince.
-Bien évidement, déclara le jeune homme.
Le prince sortit de sa poche un contrat d’esclavage et le fit signer par le prisonnier qui fut libéré sur le champ. Une fois arrivé au palais, le prince se tourna vers le fils de son ami : « Fais moi couler un bain chaud, s’il te plaît. »
– Mais je suis un noble, ce n’est pas de mon rang de faire des choses pareilles.
Alors le prince sortit son contrat et lui dit: « travaille ou je te ramène là-bas. »
Ainsi, conclut le Midrach, après chaque Mitsva difficile, la Torah nous rappelle que depuis que nous sommes sortis d’Egypte, nous sommes les esclaves d’Hachem. Tant que nous respectons Sa volonté, Il nous assure l’abondance spirituelle et matérielle. Mais si nous n’écoutons pas Ses ordres, Il peut nous renvoyer en Egypte. C’est-à-dire nous envoyer un peuple antisémite qui nous pourchasse à l’image des Égyptiens. Ou nous confronter à des épreuves qui ne nous laissent pas vivre: par exemple des difficultés financières ou de santé, de couple ou d’éducation… Voilà le contrat que nous avons signé le 15 Nissan.
Aujourd’hui, nous n’avons pas d’exemple de vie d’esclave. Nous connaissons la notion d’employé. Qu’est ce qu’un employé? Une personne qui désire un travail facile, bien rémunéré, sans trop de contraintes, avec beaucoup de vacances. Lorsqu’un employé se sent fatigué, il prend quelques jours de congé maladie. Et si les conditions de travail ne lui plaisent plus, il fait la grève jusqu’à nouvel ordre… Pour sa part, un esclave qui se lève avec 40 ° de fièvre se rend au travail à 5h30. S’il arrive cinq minutes en retard, il reçoit des coups, dix minutes des coups et la prison. S’il veut faire la grève, c’est une rébellion: il recevra des coups, ira en prison et sera pendu.
Le Schla Akadoch explique que la raison essentielle de notre descente en Egypte fut d’apprendre à devenir esclave. Cette école permit à nos ancêtres d’enlever toute fainéantise, orgueil, afin d’apprendre à être soumis aux ordres. Cependant, à la fin de ces longues années en Egypte, nous étions enfin prêts à être les esclaves d’Hachem. Hakadoch Baroukh Hou nous a tellement donné de Mitsvot difficiles que sans ce stage, il aurait été impossible d’accomplir la Volonté Divine.
Alors pourquoi Pessah se nomme-t-elle la fête de la liberté? On aurait dû l’appeler la fête de l’esclavage! Nous sages disent que tout celui qui n’est pas le serviteur d’Hachem devient celui de son mauvais penchant. En cela, il se prive de ce monde-ci et du monde futur. Ainsi, la fête de Pessah nous enseigne que nous sommes les esclaves d’Hachem : nous devons manger de la nourriture spécifique, nous asseoir dans une position précise, nous laver les mains, couvrir les Matsot… le Gaon de Vilna compte 64 Mitsvot ce soir là qui nous disent comment nous comporter.
Désormais nous pouvons comprendre pourquoi Raban Gamliel enseignait que tout celui qui ne dit pas Pessah, Matsa ou Marokh n’est pas quitte de son obligation de raconter la sortie d’Egypte. Tout le but des dix plaies et de tous les miracles est de faire de nous les serviteurs d’Hachem. Ainsi, même lorsque nous sommes confrontés à des Mitsvot difficiles comme le sacrifice de Pessah, ou comme le fait de manger de la Matsa pendant 7 jours…nous sommes obligés de le faire, sans nous plaindre et sans fainéantise.
A la fin du Seder, nous chanterons le Hallel et nous proclamerons : « Louons Hachem nous les esclaves d’Hachem ». Un soir par an, nous fêtons cette véritable liberté. Nous nous réjouissons d’avoir été choisis pour servir le Patron de ce monde, afin de mériter de jouir de ce monde-ci et du monde futur.