ChémotHistoiresItshak Nabet

Le Véritable Héros

par Itshak Nabet

La Torah décrit, au début de la paracha Chémot, l’esclavage de nos ancêtres en Egypte ainsi que la naissance du futur libérateur Moché Rabénou. Comme vous le savez, il provenait d’une sainte famille: son père Avram était le chef spirituel de cette génération. Sa mère Yokhéved, âgée de 123 ans lorsqu’elle donna vie à Moché Rabénou, était une petite fille de Yaacov avinou et fille de Lévi. Enfin, sa sœur Myriam prophétisait déjà malgré son très jeune âge. Et pourtant, si on y prête attention, on peut s’apercevoir que la Torah ne mentionne aucun nom de ces Tsadikim! Ainsi, il est écrit:  » Et il y avait un homme de la maison de Léviqui épousa une fille de Lévi. Cette femme donna naissance à un fils…qu’elle plaça dans un berceau sur la rive du fleuve…L’enfant grandit et la fille de Pharaon l’appela Moché… » Alors pourquoi la Torah n’explicita-t-elle pas la généalogie de Moché Rabénou comme elle le fit pour tous nos ancêtres dans le livre de Béréchit? Et, plus encore, même le nom de notre sauveur n’est pas celui donné par ses parents, mais celui que la fille de Pharaon lui attribua. Pourquoi la Torah ne dévoila-t-elle pas le vrai nom de Moché Rabénou? Enfin, si nous observons l’intervention de Moché Rabénou, elle semble être un échec total. Comme il en témoigne en cette fin de Paracha:  » Pourquoi faire souffrir ce peuple, et pourquoi m’avoir envoyé? J’ai parlé à Pharaon en Ton nom, mais je n’ai pas sauvé les bné Israel. » Hachem envoya Moché Rabénou intercéder, mais la situation n’en fut que plus difficile pour nos ancêtres. Pourquoi le Créateur ne voulut-il pas envoyer la plaie du sang tout de suite? Pourquoi fallut-il en passer par ce revers?

Nous allons répondre à ces questions grâce à une histoire célèbre du rav Schmouel Chterssonezal, auteur des Hidouché et Agaotte du Rachach que l’on peut trouver à la fin des guémarottes. Ce grand érudit vécut à Vilna pendant presque tout le XIXème siècle. Bien qu’il refusât toujours le poste de Rabbin, il s’occupait beaucoup de la communauté et faisait partie des responsables de cette ville. Une de ses occupations était de tenir une association de Hessed qui prêtait de l’argent sans intérêt.

Ce jour là, il était affairé depuis plusieurs heures à comprendre un passage difficile du Talmud. La multitude de livres ouverts devant lui témoignait d’une intense recherche. Malgré ses efforts, il ne trouvait pas de solution qui lui convenait. Soudain, il aperçut une silhouette se tenait devant la porte du Beth Amidrach. C’était un homme du peuple qui avait emprunté cent roubles il y a quatre mois. L’enveloppe dans la main, il attendait que le rav lui fasse signe de se rapprocher. Après de longues minutes, il osa rompre le silence:  » Chalom Cvod Arav… Je suis venu vous rendre l’argent du prêt. »

-Pose le sur la table mon fils, répondit le rav en gardant les yeux sur sa guémara.

L’homme mit l’enveloppe sur l’un des livres, ouvert, qui ornait la table puis quitta la maison d’étude. Le rav resta encore quelques heures pour essayer d’éclaircir la sougia. Pendant ce temps, il referma le livre sur lequel était posé l’argent et oublia complètement la visite de l’emprunteur. Comme tous les soirs après la prière, il consulta son calepin. Dans ce petit livret étaient inscrits tous les prêts de Vilna, leur date, leur montant et le nom des emprunteurs. Le rav aperçut qu’un homme qui devait cent roubles à l’association avait passé aujourd’hui la date limite. Il envoya un coursier pour lui demander de venir payer sa dette. L’homme se dépêcha d’arriver et expliqua au rav qu’il avait réglé cet après-midi même dans la maison d’étude.

-Tu vois ce petit livre? Cela fait de nombreuses années que je note chaque entrée et sortie. Je n’ai jamais oublié personne. S’il est vrai que tu m’as rendu l’argent, je t’aurais marqué.

-Je vous jure rav, je vous ai mis l’argent dans une enveloppe cet après-midi!

-Si c’était mon argent, mon fils, j’aurais pu faire quelque chose pour toi. Mais il s’agit des roubles de l’association! Et si tu ne les rends pas au plus vite, je serais obligé de te convoquer au Beth Din.

Le juif sortit la tête basse de chez le rav. Pendant ce temps, la rumeur circula dans tout Vilna que cet homme avait menti au Rachach et ne voulait pas rembourser sa dette. Les gens commencèrent à dire que c’était un voleur, à tel point qu’il fut renvoyé de son travail. Plus encore, son grand fils qui était en âge de se marier dut s’enfuir de la ville à cause de la honte et partit habiter un village voisin.

Quelques temps plus tard, le rav ouvrit le livre qui était posé sur la table et trouva l’enveloppe avec les cent roubles. En un instant, il comprit son erreur et se rappela cet après-midi. Il quitta la maison d’étude.

-Comment puis-je me faire pardonner de toute la honte et du tort que je t’ai causés? Demanda lerav. Tout d’abord, je vais rassembler tous les gens de la ville dans la synagogue. Je te demanderai publiquement pardon et je raconterai comment l’histoire se déroula.

– Excusez-moi Cvod Arav, mais cela ne fera pas taire les rumeurs sur mon compte. Les gens diront que vous avez eu pitié de moi, et que, dans votre grande humilité, vous avez simulé cette cérémonie. Mon propre fils a fui la ville à cause de cette histoire, alors à quoi bon?

Le rav resta muet quelques instants. Les arguments de ce bon juif tenaient la route. Soudain, son visage s’illumina: » Appelle ton fils au plus vite. Je veux qu’il fasse une rencontre avec ma fille. S’ils se plaisent, je veux le prendre comme gendre: cela fera taire tout soupçon sur ton intégrité. » Lorsque l’homme entendit cela, il déborda de joie. Il embrassa la main du rav et courut chercher son fils. Après quelques semaines, les fiançailles furent célébrées.

Le rav de Brisk zal demanda une fois à ses élèves qui était le héros de cette histoire. Est-ce lerav qui accepta un gendre « banal » pour sauver la réputation d’un juif? Est-ce le juif qui accepta de pardonner au rav après tout le mal qu’il avait enduré? Est-ce le gendre et la fille qui acceptèrent la rencontre? Après que chacun donna son avis, il répondit: Le vrai Héros de cette histoire, c’est Hachem! Pour faire rencontrer ce garçon et cette fille, il fabriqua tout ce scénario incroyable.

Il en est de même pour la sortie d’Egypte. Hachem, Lui-même, nous délivra et créa Son peuple. Voilà pourquoi la Torah ne voulut pas faire dépendre cette libération de Moché Rabénou. En cachant son nom et celui de sa famille, Elle nous laissa entendre que celui-ci, aussi grand et parfait qu’il était, n’était qu’un envoyé du Tout Puissant. Après ce premier échec Hachem dira: »Maintenant tu vas voir ce que Je vais faire à Pharaon, et c’est avec une main puissante que Je vais vous faire sortir d’Egypte. »

Or, comme nous l’avons souvent dit, ce qui est vrai à l’échelle nationale l’est aussi au niveau individuel. Si la délivrance de nos ancêtres ne fut l’œuvre que du seul Créateur, il faut savoir que pour tous les exils personnels, il en est ainsi. Que ce soit pour des problèmes de santé, d’argent, de famille…l’unique sauveur, c’est Hachem. Comme nous le disons tous les soirs « Chir Lamaalot, Je lève les yeux au ciel, d’où viendra mon aide? Hachem sera mon soutien! »

Même s’il est évident que nous devons faire tout ce que l’on peut pour réussir nos entreprises, il ne faut pas croire que la délivrance vient de nos actes ou de telle personne. Car plus une personne place sa confiance en des hommes et des intermédiaires, plus Hachem lui montre qu’il n’existe pas d’autre Sauveur que Lui et que ses efforts sont inutiles. Et, à l’inverse, plus elle va comprendre que le résultat ne dépend que de Lui, et plus elle verra s’accomplir les miracles qu’Il dévoila lors de la sortie d’Egypte. Alors qu’Hachem nous aide à croire en Lui, et rien qu’en Lui, afin de constater rapidement les délivrances que nous désirons.

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