Hachem désire notre coeur
Il y a un peu plus de cinq cents ans, la ville de Sfat accueillait les plus grands sages de cette génération. Le Ari zal, Rabbi Haïm Vital Rabbi Yosef Caro, Rav Chlomo Elkabets,le Ramak, Rav Moché Alcher et de nombreux autres rabanim faisaient la gloire de la nouvelle capitale du judaïsme. Tous les juifs de la ville, des plus simples artisans aux érudits en Torah, se réunissaient dans les synagogues pour se remplir en textes saints et en crainte du ciel.
Un soir, le rav d’une Beth Aknesset fit l’éloge du Lehem Apanim, les pains de proposition. Il raconta qu’un des services du Temple consistait à amener douze pains sur une table en or qui ornait le Kodech, dans le Temple, en face du candélabre. Ces Halottes restaient miraculeusement chaudes et fraîches pendant une semaine. Ainsi, chaque vendredi, les cohanim de garde se partageaient le Léhem Apanim et avaient le mérite d’en manger un petit bout. Grâce à ces pains, Hachem envoya la bénédiction et l’abondance au monde entier. Hélas, soupira le rav, le temple a été détruit ! Et nous ne pouvons plus apporter cette offrande qui faisait tant plaisir à notre Créateur.
Parmi les auditeurs de cette dracha se trouvait un homme simple qui avait fui l’inquisition portugaise. Enflammé par les paroles du rabbin, il demanda à sa femme de préparer ce vendredi deux belles Hallotes en l’honneur de notre Créateur. Celle-ci, enchantée par l’idée, pétrit et prépara avec le plus de ferveur possible deux beaux pains. Après mûre réflexion, il sembla à son mari que l’endroit idéal pour apporter ces pains était le Arone, l’armoire dans laquelle on pose les rouleaux de Torah à la synagogue. Il prit donc « les deux sacrifices » et commença son service Divin. La joie le portait littéralement. Il ouvrit la porte de la synagogue, pénétra avec révérence et soumission. Une fois arrivée devant le Ekhal, l’armoire des Sefer Torah, il leva les yeux au ciel et dit : « Maître du Monde, accepte je t’en prie cette offrande. » Il posa délicatement les deux pains dans l’armoire et repartit le cœur léger.
Le soir même, après la prière de Chabat, il attendit que tout le monde parte pour ouvrir l’armoire. Quelle ne fut pas sa surprise de s’apercevoir que les pains n’étaient plus là. « Hachem a accepté notre sacrifice. » s’écria-t-il à sa femme en rentrant chez lui. Fou de joie, le couple décida de prendre sur lui d’apporter ces Lehem Apanim chaque semaine. Ainsi, tous les vendredis matins, ce bon Portugais déposait deux Hallottes fraiches à coté des livres de Torah de sa synagogue.
Mais ce miracle n’était pas le seul à se dérouler dans cette Shoule. Chaque veille de Chabat, le bedeau de la synagogue venait pour préparer la rouleau de la Torah pour le lendemain. Et quel ne fut pas son bonheur de voir deux beaux pains. Ce dernier, qui avait à peine de quoi nourrir sa famille, ne chercha pas à comprendre d’où venaient ces Hallottes. Hachem lui envoyait la Manne comme à l’époque du désert. Ainsi, le vendredi, il offrait à sa femme et ses enfants deux belles miches de pains en l’honneur du Chabat.
Pendant plusieurs semaines, ce petit scénario se répéta jusqu’au jour où le rabbin de la synagogue, qui était resté pour préparer son discours un peu plus longtemps que d’habitude, vit ce fidèle débarquer avec ses pains et les déposer dans l’armoire. Le rav interpella le Portugais et le sermonna : « Penses-tu vraiment que notre Dieu mange tes pains ? Ne sais-tu pas qu’Il n’a pas de corps et ne ressemble à rien ! Pire que ça, c’est une faute grave de penser qu’Il possède une quelconque matérialité. Je suis sûre que c’est le bedeau qui mange tes pains. » A peine eut-il fini sa phrase que le bedeau de la synagogue arriva pour préparer la Torah et prendre ses cadeaux Divins. Le rav lui demanda si c’était lui qui mangeait les deux Halottes. Celui-ci avoua et justifia qu’il n’y avait pas de signe d’appartenance. Le pauvre Portugais, rouge de honte, regretta amèrement son acte. Il s’excusa après durabbin et lui dit qu’il pensait bien faire.
Dans l’après-midi, on annonça au rav que le Ari zal voulait le voir. Ce dernier se dépêcha de se présenter devant lui. « Sache que depuis la destruction du Temple, Hachem n’avait pas eu un plaisir comme celui que lui procurait cet homme qui Lui apportait des pains avec amour et joie. Parce que tu as crié sur lui et qu’il a arrêté son service, il a été décrété dans le ciel ta mort. » Le rav comprit que les paroles du Ari zal étaient justes: il prépara son testament et quitta ce monde quelques jours après.
Comme vous le savez, la dernière lettre de la Torah est un Lamed et la première un Beth. Ainsi en assemblant ces deux lettres, nous pouvons former le mot Lev, qui signifie le cœur. « Hachem désire notre cœur » enseignent nos sages. Le but des Mitsvot et de la Torah est de parvenir à nous rapprocher de Lui. Ainsi, comme nous le verrons dans le Dvar Torah, même si c’est Kaïn dans notre paracha qui eut l’idée de sacrifier quelque chose àHachem, il manquait l’essentiel : son cœur. A l’inverse, Evel offrit ce qu’il avait de plus cher avec amour et joie et fut pour cela agréé. Alors qu’Hachem nous enlève le prépuce qui se trouve autour de notre cœur afin de le servir comme il se doit, amen ken yéhi ratson.