Nous ouvrons cette semaine le second livre de la Torah, intitulé Chémot, qui traite essentiellement de la sortie d’Egypte. Nous verrons ainsi comment Hachem délivra physiquement nos ancêtres de leur maison d’esclavage, puis comment Il les libéra spirituellement en leur offrant la Torah. Ce Chabat,nous débuterons cette extraordinaire aventure avec la paracha Chémot. Les descendants de Yaacov se sont multipliés sur cette terre égyptienne. Affolé à la vue de cette menace potentielle, Pharaon décida de transformer ces habitants de Gochen en peuple d’esclaves. Après de longues décennies de labeur et d’humiliation, une naissance change le cours de l’histoire, celle du futur libérateur Moché rabénou. Après avoir été sauvé du Nil et adopté par la fille unique de pharaon, Moché grandit dans le palais royal. Malgré le luxe et le confort que sa vie lui offre, il ne peut supporter d’être en paix alors que ses frères souffrent. Dès lors,il fait tout ce qui est en son pouvoir pour aider clandestinement hommes, femmes et enfants. Il pleure avec eux et n’hésite pas à remplacer les plus fatigués,même pour les corvées difficiles. Jusqu’au jour où il vit un Egyptien battre à mort un juif: il prit la défense de la victime et tua l’agresseur. Les représailles ne tardèrent pas. Moché fut condamné à mort et réussit par miracle à s’échapper d’Egypte. Nous retrouvons Moché Rabénou de nombreuses années plus tard. Il est devenu berger chez son beau père Yitro. Un jour qu’il fait paître son troupeau, un de ses agneaux se sauve, nous dit le Midrach (Chémot raba 2;2). Moché court derrière pour le ramène lorsqu’il voit la bête se précipiter vers un point d’eau pour assouvir sa soif. » Je ne savais pas que tu avais si soif, tu dois être épuisé maintenant » dit Moché à l’agneau. Puis il prit la bête sur ses épaules en retournant vers le troupeau. Et c’est à ce moment qu’Hachem déclara: « tu as de la miséricorde,envers le troupeau,d’un homme. Je jure que tu seras le berger de Mon troupeau Israël. »
Nous sommes facilement étonnés à la lecture de ce Midrach. Pourquoi est-ce à la suite du sauvetage d’un agneau que Moché Rabénou fut choisi pour libérer les bné Israël? N’avait-il pas prouvé mille fois sa compassion et ses qualités en Egypte? Comme nous l’avons dit, il avait mis sa vie en danger pour alléger le joug de ses frères, puis fut contraint à l’exil pour avoir défendu un juif. La vie d’un animal est-elle plus importante aux yeux d’Hachem que celle d’un bné Israël?
De manière générale, l’homme est pris de compassion lorsqu’il se trouve face à une situation tragique. Il est très difficile de ne pas aider une veuve qui doit nourrir de nombreux orphelins, ou un père de famille qui demande de l’aide pour un jeune enfant atteint de maladie. Ce genre de situation qui déchire le cœur est heureusement très souvent soutenu par les communautés. Mais lorsqu’il s’agit d’une famille en difficulté financière qui ne présente pas une histoire émouvante, on éprouve plus de mal à écouter et à ouvrir le porte-monnaie. De même, il nous semble normal de visiter des malades qui souffrent de graves maladies, et nous pouvons parfois négliger de réconforter des amis qui se sentent mal intérieurement,même si nous savons qu’ils souffrent. Ainsi,les actes de solidarité de Moché Rabénou en Egypte ne pouvaient pas dévoiler sa pureté de cœur. En effet, peut-être que la vue de cette détresse, parce qu’elle était immense, l’avait rempli d’émotion et,dès lors,motivé pour aider ses frères. Mais lorsqu’il sauva cet agneau, il prouva qu’il était profondément bon et miséricordieux avec tout le monde. De plus,lorsque Moché Rabénou porta la bête fatiguée,il se trouvait en plein désert. Personne ne pouvait le voir ou le féliciter. Son acte témoignait donc fidèlement de son intériorité. A l’inverse, pendant toutes ces années en Egypte, il avait accompli des actes de bonté en public. Il devait forcément être admiré et honoré pour son comportement. Il existait donc un léger manque de perfection,mû par le plus pur désintéressement,dans sa compassion.
« Hachem n’élève les hommes qu’après les avoir observés dans les petites choses » nous dit le Midrach. Car c’est là-bas qu’il dévoile son véritable visage. Nous pouvons hélas constater la véracité de cet enseignement au quotidien. De nombreuses personnes sont agréables, courtoises et altruistes dans leur vie professionnelle ou sociale. Mais dès qu’elles rentrent chez elles,dans la sphère privée, leur comportement change brusquement. Le plus doux des hommes peut se transformer en mari indigne. La Torah,cette semaine,nous apprend que c’est justement là que nous sommes jugés. Nos maisons, à l’abri des regards et du qu’en dira-t-on, sont les laboratoires de notre intériorité. Si nous arrivons à nous conduire avec la même bonté et le même respect envers nos proches,c’est la preuve que nous sommes effectivement marqués par ces qualités. Il est en est de même pour tous les domaines du service divin. Hachem regarde en particulier comment nous faisons les bénédictions lorsque nous sommes seuls, comment nous mangeons, comment nous faisons le Qriat Chéma avant de dormir…car c’est dans ces moments que nous dévoilons notre véritable visage. Alors qu’Hachem nous donne les forces et les moyens d’être de bons juifs, de bons conjoints et parents hors mais surtout dans la maison, amen ken yéhi ratson.