Comme nous l’avons écrit la semaine passée, la première mission de Moché Rabénou s’était soldée par un échec. Cependant, au début de notre paracha Vaéra, Hachem rassure son libérateur en ces mots: « J’ai entendu les cris de souffrance des enfants d’Israël et Je vais accomplir le serment que J’ai fait à vos pères Avraham, Itshak et Yaacov. Je vais les libérer d’un bras puissant, Je les prendrai pour peuple et je leur donnerai la Terre de Canaan. Quelques mois plus tard, les Egyptiens subiront les plaies du sang, des grenouilles, des poux, des bêtes féroces, de la peste, des ulcères et de la grêle. Nous pouvons constater qu’il n’y a pas écrit « J’ai entendu les prières des bné Israël », mais J’ai entendu leur « Naakatam »(leur hurlements).
Le Or Haïm Akadoch explique que ces cris n’étaient pas adressés à Hachem afin qu’Il les libère. C’était l’expression physique de leur très grande souffrance. Et la Torah nous enseigne ici que les pleurs des Hébreux montèrent vers Hachem et provoquèrent leur libération. Pourtant, dans le Midrach Raba de Vaétranan, les sages énumèrent les dix synonymes du mot prière que l’on trouve dans la Torah, et cite le terme de Naaka, de notre paracha. A priori, en quoi ces cris, qui ne sont qu’une réaction naturelle face à la souffrance, peuvent- ils être appelés des prières?
Lorsqu’un homme éprouve une grande douleur physique à cause de la maladie,physiologique ou morale, il se met à pleurer et à crier. Et cela même s’il est seul et qu’il n’a personne à appeler. Il faut savoir que cette expression corporelle, qui ne se contrôle en général pas, représente un moyen de défense qu’Hachem a placé en l’homme. Ainsi, lorsque quelqu’un se lamente, il éveille la compassion des gens autour de lui. Ces personnes lui fourniront ensuite l’aide et le soutien nécessaires. Néanmoins, si on analyse un peu plus profondément la nature de ces pleurs, nous pouvons comprendre pourquoi ils ont été assimilés à des prières. Comme nous l’avons dit, lorsqu’une personne souffre, elle implore inconsciemment celui qui pourra l’aider et combler son manque.
Par exemple, un enfant qui désire quelque chose se met à pleurer. Même si ses cris n’ont pas forcément de destinataire, leur but est bien souvent d’amener ses parents à faire ce qu’il souhaite. De même, chaque lamentation est un appel vers celui qui peut nous aider. C’est pourquoi chaque gémissement émis par un individu est inévitablement un appel vers la source de toutes les bontés, celui qui peut combler tous les manques, le Tout Puissant. Ainsi, chaque expression de souffrance, chaque pleur représente en soi un acte de prière. Et Hachem plaça en chacun de nous cette réaction naturelle afin d’éveiller Sa miséricorde pour qu’il nous délivre et nous guérisse. .
Mais nous devons savoir que si les sages ont énuméré « les cris » dans les différentes sortes de prières, il paraît évident qu’ils voulaient nous transmettre un conseil pour mieux prier. Nous pouvons comprendre leur message grâce à cette histoire que l’on raconte sur le rav Baroukh Beer Libovitz zal. Lorsqu’il était enfant, il fit une bêtise qui lui valut une bonne réprimande de la part de son père. Les yeux pleins de larmes, il se leva, prit un livre et commença la prière de l’après-midi. Lorsqu’il finit, son père l’interrogea sur son étrange comportement. Celui-ci répondit : puisque je pleure déjà, alors autant me servir de ces pleurs pour ma prière.
Ainsi, en appelant ces cris de souffrance des prières, les sages voulaient nous dire que nous pouvons nous servir de chaque pleur pour implorer Hachem. Ainsi, lorsqu’un homme souffre, il peut utiliser cette douleur pour prier du fond du cœur pour tout ce dont a besoin. Comme il est écrit dans le traité Brahot, même si les portes des prières peuvent être fermées, celles des larmes sont toujours ouvertes. Hélas, comme nous le savons, il est très dur de s’émouvoir lors de ses prières. Mais grâce à cet enseignement du Midrach, nous avons entre les mains les clefs pour ouvrir toutes les portes. C’est pourquoi nous devons réaliser combien chaque peine, chaque larme, représente de véritables joyaux qu’il ne faut pas gaspiller. .
Nous voyons donc dans la paracha que nos ancêtres ont été délivrés parce qu’ils ont su utiliser les souffrances de leur esclavage pour prier du fond du cœur. En nous habituant à transformer chaque souffrance en prière, nous pouvons aussi faire monter nos prières face au Maitre du Monde. Alors rappelons- nous cet enseignement du Rav Pinkous zrouto yagen alénou afin d’éveiller la Miséricorde divine sur nous et de vivre la délivrance finale que nous désirons tellement.