HistoiresItshak Nabet

Une rencontre improbable à Vilna

Comme vous le savez, un des événements principaux de notre paracha Hayé Sarah est la rencontre d’Itshak Avinou et de Rivka Iménou. Si nous voyons clairement la « Main » d’Hachem lors de cette rencontre, nous devons savoir qu’il en est ainsi dans la formation de chaque couple. L’histoire que l’on va raconter nous le prouve une fois de plus.

Il y a plus de deux cents ans, à Vilna en Lituanie, vivait Itshak, le fils du rabbin de la ville, Rav Chlomo. Ce jeune homme possédait toutes les qualités. Il était particulièrement beau, extérieurement et intérieurement, mais surtout il excellait dans l’étude de la Torah. Les Chadkhanim de Vilna présentaient les meilleurs partis au rav de la ville. Mais ce dernier repoussait chaque dossier. « Mon fils est encore jeune. Il est dommage qu’il prenne trop tôt le joug d’une famille. » Gimfel le Chadkhane n’accepta pas cet argument:  » Notre maître, ne vous y trompez pas. Le parti que je propose à votre fils l’aidera à étudier sans jamais se soucier d’argent! » Gimfel désirait présenter Minda, la fille de Rabi Chimchone. Ce riche notable de Vilna s’était engagé à donner une bourse conséquente à son futur gendre, sans parler de la maison avec jardin qu’il avait fait construire pour le couple. « Je vais y réfléchir à tête reposée. Merci beaucoup pour vos efforts, mon bon Gimfel, soyez béni. » Répondit gentiment le rabbin.

Le printemps avait fait fleurir les parcs et les jardins de Vilna. Cependant, il en fallait plus pour déconcentrer les étudiants de la Yéchiva. Le rav Chlomo avait livré, le matin même, un cours très profond sur un des passages difficiles du Talmud. Les élèves essayaient de revenir sur les finesses du raisonnement de leur maitre en ce bel après-midi. Plongé dans ses réflexions, Itshak commençait à bouillir. Ses pieds l’entraînèrent vers le parc royal qui se trouvait entre la Yéchiva et le Palais. La quiétude de la forêt l’aidait à se concentrer et à éclaircir les sujets épineux. Itshak répétait les paroles de la guémara sans sentir qu’il était épié. En effet, assise sur un banc du parc, la fille unique du roi de Lituanie observait ce phénomène étrange. La beauté de ce jeune homme avait tout d’abord attiré son attention. Mais c’est son attitude qui perturbait la jeune princesse. En effet, les garçons qu’elle connaissait passaient leur temps à jouer aux cartes et à chevaucher. Elle sentit qu’un problème profond perturbait ce jeune homme. Une quête spirituelle le poussait d’un endroit à l’autre du parc. Soudain, une pensée germa dans son cœur: « Pourquoi me marier avec un homme vide et courir après les bêtises de ce monde? Je serais la plus heureuse du monde si je pouvais mériter un homme qui aspire à une vie d’élévation. » Elle décida de le suivre. Une fois arrivée à proximité du ghetto juif, elle envoya un de ses serviteurs vérifier qui était cet inconnu.

Quelques jours plus tard, on annonça à la princesse que le garçon n’était nul autre que le fils du Rabin de Vilna. La jeune fille décida de passer à l’acte. Elle se rendit chez son père pour lui annoncer son souhait de se marier avec ce jeune homme. Malgré les arguments du Roi et de la Reine, la jeune fille s’entêtait dans son choix.  » Ma fille, que t’arrive-t-il? Des princes de toutes les nations désirent te prendre pour épouse, et tu ne rêves qu’à ce juif! » La jeune fille qui n’avait jamais entendu le mot « non » de sa vie, ne supporta pas le refus catégorique de ses parents. Elle tomba gravement malade, et sa situation empirait de jour en jour. Lorsque ses parents réalisèrent le danger qui les guettait, ils décidèrent d’inviter ce juif à rencontrer leur fille.
Un des conseillers du Roi se nommait Ditrich Mézissayem. C’était un des amis de longue date de Rav Chlomo. Lorsque le Roi lui raconta le grand malheur qui le frappait, celui-ci décida de prévenir le Rabbin de Vilna. Ainsi, un envoyé frappa à la porte et transmit une lettre à rav Chlomo.  » Mon cher ami, le roi vient de me dévoiler que sa fille refuse toute proposition de mariage. Ses yeux se sont portés sur ton fils Itshak. Dans quelques jours, un envoyé du Roi viendra inviter ton fils au palais. »

« Malheur à moi car j’ai fauté. » Gémit rav Chlomo en laissant glisser la lettre par terre. La rabbanite alertée par les plaintes de son mari s’approcha et découvrit la missive. La femme se mit aussitôt à pleurer devant la nouvelle, ce qui attira la venue des voisins. Alors que chacun cherchait une solution au problème, Toubia,  » le maire  » du ghetto déclara: « J’ai une idée! Si tu te dépêches de marier ton fils, la princesse ne voudra probablement pas d’un homme marié. » Un souffle d’espoir traversa la maison. Le Rav et sa femme se rendirent chez les familles qui étaient intéressées par leur fils. Hélas, plus personne ne voulait désormais d’un mari recherché par le palais royal. Les parents d’Itshak rentrèrent donc bredouilles. Alors que le désespoir commençait à gagner la maisonnée, la Rabbanite eut une illumination:  » Notre fils prendra Bluma, notre servante, pour épouse! » Elle ne possédait ni titre honorifique, ni beauté, ni argent ni parents. Mais elle était juive, et cela n’avait pas de prix! Rabi Chlomo rassembla dix hommes et célébra le mariage dans la soirée. La Rabbanite sortit quelques gâteaux qui restaient du Chabat et quelques cruches de vin pour l’occasion. Même dans leurs pires cauchemars, les parents d’Itshak n’auraient jamais imaginé leur fils avec une servante dans une Houpa improvisée sans invités et sans repas.

Quelques jours plus tard, une délégation royale frappa à la porte de Rav Chlomo et lui donnèrent une lettre. Dans celle-ci, le Roi ordonna à Itshak de se rendre au Palais pour apprendre quelques rudiments de crétienté avant de se marier avec la princesse. Le rav Chlomo déclara aux envoyés du Roi que son fils était marié. On leur montra les signes qui prouvaient leur union. Le convoi royal repartit confus et déboussolé. Quelques semaines plus tard, d’autres envoyés du Roi vérifièrent si le couple était bel et bien légal. Après ce dernier contrôle, le décret fut annulé.

Après quelques semaines, le rav et la rabbanite invitèrent la jeune servante. Ils commencèrent à faire allusion au fait que le danger était passé. Lorsqu’ils virent que leur belle- fille ne désirait pas comprendre, ils lui demandèrent explicitement de divorcer.  » Il n’en est pas question! Mon mariage fut cacher, et je resterai sa femme. » Ils demandèrent alors à leurs fils de donner un acte de divorce à Bluma. Mais celui-ci refusa et répondit:  » Hachem fit ce mariage. C’est Lui qui organisa cet invraisemblable scénario afin que je prenne Bluma pour épouse.  » La Rabbanit perdit patience. « Tu es devenu fou! Tu vas rester avec cette femme de ménage? »
– Ecoute maman. Je préfère vivre avec Bluma, plutôt que de faire honte à une fille d’Israël.

La réaction d’Itshak fit grand bruit dans le ciel. On décréta à ce moment- là un beau cadeau pour ce Tsadik. Bluma, cette femme cacher, eut 24 enfants. Douze jumeaux beaux et délicats qui donnèrent naissance à la fameuse famille des Téomim.

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