Nous ouvrons cette semaine le second livre de la Torah avec la paracha Chémot. Pharaon, inquiété par le nombre de juifs dans son pays, prit de nombreux décrets contre nos ancêtres. Il commença par les asservir, puis il ordonna de faire tuer tous les bébés garçons. Dans ce contexte de terreur, Amram, le chef spirituel de cette génération, et Yokhéved, mirent au monde un fils qui changea le cours de l’histoire. Après quelques mois, il devenait impossible de cacher plus longtemps cet enfant. Ils décidèrent de faire un petit berceau flottable, y placèrent le bébé et posèrent ce bateau sur le Nil en espérant un miracle. Ce jour là, nous dit la Torah, Batia, la fille de Pharaon, partit se laver dans le Nil. Elle vit le berceau, le tira vers elle et aperçut l’enfant. Elle décida d’adopter ce nourrisson et l’appela Moché car cet enfant avait été tiré des eaux ( Min Amayim Méchitihou). Cet enfant grandit et fut le libérateur que nous connaissons tous.
Le Midrach Vayrika Raba enseigne que Moché Rabénou possédait dix noms: son père l’avait appelé Haver (celui qui lie), car c’est grâce à lui qu’Amram retourna auprès de sa femme après en avoir divorcé. De plus, Moché fut celui qui lia les bné Israël à Hachem. Yokheved l’appela Yékhoutiel (j’ai espéré en Hachem), car il fut l’espoir des bné Israël. Myriam le nomma Yéter car elle descendit dans le fleuve pour voir ce qu’il en advenait du bébé. De plus, Moché fut celui qui descendit la Torah du ciel. Aharon l’appela Avi Zanouakh pour signifier que les bné Israël oublièrent les idolâtries grâce à lui…Et pourtant Hachem dit à Moché: « Sur ta vie, parmi tous les noms que tu possèdes, Je ne t’appellerai que par le nom que Batia la fille de Pharaon te donna, Moché. »
Le rav Chmoullowitch zal ( Maamar 60) pose deux questions à propos de ce Midrach: premièrement, nous savons que le nom d’une chose vient en exprimer la nature,sa définition. S’il en est ainsi, pourquoi Hachem préféra-t-il le nom que Batia lui donna? A priori, ses autres noms expriment mieux sa grandeur que le nom de Moché. Enfin, ce dernier nom, qui signifie « je l’ai tiré des eaux », ne loue pas notre libérateur, mais rappelle l’acte de sauvetage de la fille de Pharaon.
Pour répondre à ces questions, intéressons-nous à une histoire célèbre de la guémara (38, a). Un des hommes importants de Jérusalem, Nikanor, avait commandé de grandes portes en cuivre, pour le Beth Amikdach, à des artisans d’Alexandrie. Alors qu’il était de retour vers son pays, un tempête éclata en pleine mer. Le bateau, alourdi par les deux énormes portes, résistait tant bien que mal aux assauts du vent et des vagues. Les marins allèrent voir Nikanor et lui demandèrent de jeter ses portes à la mer. Voyant que leur vie était en danger, ce dernier accepta d’en descendre une. Hélas, la situation ne s’arrangea pas. Ils supplièrent Nikanor d’abandonner la dernière porte. Ce dernier refusa. Il se leva et attrapa la porte avec ses deux mains. « Jetez-moi avec la porte!! » se mit- il à crier. Alors la tempête se calma. Pendant tout le parcours, Nikanor pleura sur la porte qu’il avait dû jeter. Lorsque le bateau arriva au port d’Ako, les marins virent à leur grand étonnement que la porte les avait suivis et était arrivée à bon port.
Le rav Chmollowitch zal apprend de cette histoire que lorsqu’une personne est prête à donner sa vie pour une cause, alors elle lui imprègne une force peu commune. Ainsi, la volonté de Nikanor de sauver cette porte donna le pouvoir à celle-ci de se déplacer et de les suivre jusqu’à Ako.
Le Midrach raconte que lorsque Batia voulut sauver ce bébé juif, ses servantes lui dirent: » maîtresse, si les sujets d’un roi n’écoutent pas ses décrets, que sa famille au moins les respecte. Comment peux-tu sauver cet enfant alors que ton père ordonna de tuer tous les enfants juifs? Malgré ces avertissements, Batia sauva ce bébé au risque de sa vie. Ce sauvetage fut un acte tellement fort qu’elle ancra cette force de tout sacrifier pour faire le bien chez Moché rabénou. Ainsi ce nom définit-il bel et bien notre libérateur comme un être prêt à donner sa vie pour son peuple, comme il le prouva tant de fois. Hachem choisit d’appeler Moché par ce nom pour nous enseigner combien nous possédons de forces cachées. Chaque personne a le pouvoir d’ancrer dans ses enfants, chez son conjoint, chez sa famille ou son entourage l’amour d’Hachem, l’amour de l’autre, la foi, l’ambition…Pour cela, nous devons développer cette chose en nous à tel point, qu’elle s’inscrive chez nos proches. Alors qu’Hachem nous aide chaque jour à nous parfaire afin d’éclairer notre entourage, amen ken yéhi ratson.